SYNOPSIS


Dans un village du Kazakhstan, une grand-mère tente de comprendre son énigmatique petit-fils, Aslan, 13 ans, qu'elle élève depuis la mort de sa fille aînée. Passionné de science et de biologie, il aime la perfection de la nature. Parce qu'il n'est pas comme les autres enfants de son âge, il devient la cible de Bolat, le chef du gang des mauvais garçons. Humilié, Aslan subit, mais prépare méthodiquement sa vengeance...

EXTRAITS CRITIQUES

Une éducation. Aslan ne la subit pas en prison, comme le héros d'Un prophète, mais dans un lycée qui y ressemble. Un lieu étrange où les professeurs enseignent indifféremment la philosophie de Gandhi et l'art de tirer avec les armes à feu. Un endroit où règnent des groupes rivaux rackettant les élèves, au nom d'idéaux hypocrites. Un monde où les « grands frères » terrorisent les plus petits, précisément parce qu'ils sont sans défense... Aslan est un ado taciturne et doué. D'autant plus obsédé par la propreté de son corps qu'il le sent cerné par les miasmes ambiants. Il le lave, le purifie sans cesse. Et lorsqu'il le sent souillé, après une blague potache ourdie par ses congénères, lors d'une visitemédicale, il ne peut que se venger...


Ses meurtres intéressent si peu le cinéaste kazakh qu'il ne les filme pas. Il les relègue off, en coulisse, comme dans les tragédies classiques. Ce qui semble le passionner, c'est le temps. D'où la présence obsédante, dans son film, de lézards, ces survivants millénaires, que le héros emprisonne dans un bocal pour mieux les observer. Des cadrages rectangulaires — comme autant d'écrans — semblent lentement révéler l'ambiguïté d'Aslan : tel un justicier, il éradique le mal qui l'entoure, mais le laisse croître en lui, jusqu'à ressembler à ceux qu'il a éliminés. L'harmonie du titre est donc trompeuse : certes, le héros finit par l'atteindre, mais il le paie cher. Et cash. Aujourd'hui, le dilemme est simple : détruire ou être tué. — Pierre Murat (Télérama)


Leçons d’harmonie renvoie à la mythologie grecque: l’homme n’est rien par lui-même, il naît avec un fatum écrasant qui s’accomplira au gré des rencontres. Tout le nourrit et le construit – et plutôt brutalement. La mise en scène suit ce principe à la lettre: le paysage est fait d’horizontaux (la campagne, l’eau, les longs bâtiments de plain-pied), l’homme est le brin d’herbe vertical balayé par les vents. En revanche pas de religion, Baigazin est un sociologue, même l’inconscient vient du cerveau, non d’une puissance mystique. C’est d’autant plus désespéré. (Critikat.com)


Leçons d'harmonie est en quelque sorte une œuvre d'entomologiste. Sa description quasi obsessionnelle des corps, son organisation parfaitement géométrique des plans et sa maîtrise des rythmes en suspens donnent au film l'aspect d'une étude sur un individu plongé dans un milieu hostile. La mise en scène, parfois presque clinique, atteint une excellence formelle qui confère au récit une dimension de fable. D'autant qu'Emir Baigazin parvient remarquablement à mettre en miroir les opposés : la violence et l'amitié, le pouvoir et le savoir, le concept et le concret. S'en dégage une étrange sensation de plénitude, comme une prise de hauteur sur les mécaniques du pouvoir ou une vue perçante sur les principes fondamentaux régissant l'adolescence. Savant mélange qui n'est pas sans distiller une singulière poésie. L'harmonie du titre, probablement… (Utopia - Bordeaux)

Son premier long métrage, Leçons d'harmonie, a remporté l’Ours d'Argent de la Meilleure Image avant d’entamer une carrière festivalière exceptionnelle.

PROPOS DU R ÉALISATEUR


Quelle est la genèse de Leçons d’harmonie ?

E. B. : Il y a 3 ans, l’idée de Leçons d’harmonie m’est venue d'un coup, en marchant dans la rue. C’était inconscient, il n’y avait pas d’intention et certains détails ont évolué étape par étape plus tard. Je connais très bien le contexte du film, mais je tiens quand même à dire qu’il ne s’agit pas d’un film autobiographique. Je voulais mettre en avant un système scolaire qui évoque et reflète le système qui prévaut dans notre société, à différents niveaux. Dans le fond, Leçons d’harmonie n’est pas réellement un film sur l’école ou sur l’adolescence ; c’est un film sur un système de violence qui est inhérent à la nature humaine. Leçons d’harmonie ne raconte pas une guerre entre des personnes mais raconte la guerre intérieure qui ravage une seule et même personne. Pour chacun d’entre nous, le défi est de pardonner ou continuer à se battre. 

 Propos recueillis par Morgan Pokée


« Mon film essaye de voir au travers des yeux d’Aslan. Comme beaucoup d’êtres humains, il est héros et victime à la fois, sur des échelles différentes, et à des moments différents. J’ai choisi de ne pas présenter à la caméra les meurtres mais j’ai préféré montrer la scène de l’égorgement du mouton en scène d’ouverture. L’importance est mise sur le fait que ces meurtres sont commis dans un but de survie. L’histoire pourrait se dérouler en Russie ou dans un bidonville au Brésil. Le dénominateur commun est le faible développement économique de la région. Aucun des acteurs principaux n’est professionnel, ce sont des collégiens. Nous les avons choisis lors d’un casting national au Kazakhstan, et je crois que tous ont fait un excellent travail. Timur Aidarbekov, qui joue le rôle d’Aslan, est orphelin, il vivait dans en foyer. Durant le tournage, j’ai pu assister à une vraie transformation de ce garçon. Nous sommes parvenus à le faire sortir de l’orphelinat après le film ». BSC News

Emir BAIGAZIN

Né en 1984 au Kazakhstan, Emir Baigazin a étudié la mise en scène de cinéma à l'Académie nationale kazakhe des Arts. En 2007, il est sélectionné pour intégrer la formation de l'Académie du Film Asiatique du festival de Busan où il suit l’enseignement de Pen ek Ratanaruang (Thaïlande) et de Mohsen Makhmalbaf (Iran). Il a également participé au Berlinale Talent Campus 2008.